Enfance adolescence construction

« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. Mais peu d’entre elles s’en souviennent. »

Saint Exupéry dans Le Petit Prince

 

Un jour, on est petit, on joue et on rêve beaucoup. Un autre jour on se réveille,  on joue et on rêve aussi beaucoup moins, on devient plus grand.

Enfance, adolescence et construction, c’est ainsi que nous avons choisi de parler de ce processus parfois très complexe du passage de l’innocence à la réalisation de soi, en passant par doutes et expériences.

Si pour beaucoup l’enfance et l’adolescence ne sont qu’une infime partie de vie, en réalité c’est beaucoup plus que ça. 

L’enfance, c’est se faire son avis sur la vie et les autres avec l’innocence et la curiosité de son regard d’enfant. C’est admirer, être déçu aussi parfois. C’est se socialiser à soi, aux autres, via la socialisation primaire dans un monde et une famille parfois pas si simples. C’est être vulnérable. C’est intérioriser les bonnes habitudes, les bonnes conduites et les comportements et dupliquer. 

A l’adolescence, viennent la contestation et la réalisation. Le temps des modèles  et des illusions est révolu. La socialisation secondaire de toute une vie débute. On devient plus grand, on retire nos lunettes d’enfant pour enfiler celles de pré adulte et on commence à voir le monde autrement. On se pose d’autres questions, on remet parfois tout en cause, on avance encore plus dans notre quête d’identité. Viennent alors les premières soirées, les premiers émois amoureux et/ou sexuels, parfois aussi des excès comme la drogue ou l’alcool, les mauvaises influences et fréquentations. En effet, quand on est enfant on admire et imite ses parents, quand on devient plus grand on cherche à admirer et imiter les autres. On se pose également de multiples questions sur son avenir, dans une société et un cadre, où il est souvent difficile d’être compris. Le temps des choix professionnels arrive aussi, on choisit une option de vie avec peu ou pas de conviction, alors que l’on est même pas adulte. On subit de nombreuses fois également, on subit des moqueries parfois, via le harcèlement moral ou physique voire les deux, on subit notre corps qui n’évolue pas toujours de la manière dont on l’aurait souhaité, nos attributs sexuels se développant, parfois pas en adéquation avec ce qu’on est. Le regard des autres sur nous change, les attentes s’amplifient, pourtant il est parfois difficile pour nous d’agir autrement. 

Tenant compte de toutes ces considérations d’un monde qui attendrait trop de nous, peut surgir une angoisse existentielle, qui paraîtrait presque normale à bien des égards : Si grandir est trop compliqué et conventionné, alors pourquoi ne pas rester un enfant toute sa vie? Le syndrome de Peter Pan entre en scène et avec lui, la stricte objection au fait de grandir, d’accepter ses responsabilités et d’éviter les reproches. Car oui, lorsque l’on est enfant, l’erreur est bien plus souvent pardonnable et pardonnée, les caprices bien plus tolérés, or, quand on grandit, il est plus difficile d’être excusé, au contraire nous devons faire face aux conséquences de nos actes et c’est à nous de nous faire pardonner. Il est temps pour nous d’être mature. Mais comment être mature lorsqu’on ne l’est pas vraiment intrinsèquement, et que surtout, on ne veut pas l’être au fond. Et oui, grandir et se construire c’est ça, c’est accepter d’accepter l’inacceptable. Accepter les critiques, les responsabilités, les déceptions, les conventions et faire avec. C’est faire avec des adultes qui ne comprennent pas tout et qui attendent trop de nous. C’est se rencontrer, rencontrer les autres et comprendre qui est bénéfique, qui l’est moins, et apprendre à cohabiter tout de même. C’est se faire une opinion autre que par le prisme de ses propres convictions.

En résumé, enfance et adolescence c’est se construire, c’est apprendre à devenir grand, apprendre à apprendre,  avec pertes et fracas parfois. Si se construire est un processus qui dure toute une vie via la socialisation secondaire, et bien présomptueux serait celui, qui prétendrait avoir tout appris, quoi qu’on en dise, la construction durant l’enfance et l’adolescence, déterminent en grande partie, l’être que l’on sera demain. A  ce propos, Marguerite Duras dans Des Journées entières dans les arbres  écrivait “Il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours…” et elle avait bien raison. 

Un petit tour du côté des Arts…

Nombreux sont ceux qui, comme Marguerite Duras, dans les Arts ont fait le choix de retrouver leur enfant intérieur et de leur rendre hommage quelque part, en commençant par l’un de mes écrivains préférés, Antoine de Saint Exupéry. En effet, qu’est-ce que Le Petit Prince, si ce n’est un vibrant hommage au monde de l’enfance et son enfant intérieur? Dans cette œuvre à portée philosophique, Saint Ex nous offre une émotion sincère sur l’enfance et ce qui l’accompagne. Innocence et spontanéité bien loin des qu’en dira-t-on des adultes, ici on s’intéresse aux choses pour de vrai, imaginaire et collectif avec des rencontres pour le moins surprenantes, et enfin amour et relations avec la prise de conscience de l’importance du lien et de l’attachement aux autres. Saint Ex nous dessine également le portrait du passage de la construction de soi en nous contant l’apprentissage des expériences, via ses rencontres et ses grandes découvertes lors de divers voyages “à travers les planètes”. Le Petit Prince se découvre lui et les autres, il apprend le développement personnel, il part à la recherche de sens et tente de comprendre le monde, nous offrant un regard sur sa transformation et son évolution. Car oui, tout au long de son périple, le Petit Prince ajuste sa lunette sur le monde, il apprend de ses expériences, il gagne en maturité et surtout il apprend à devenir grand. Toutefois, Saint Ex avec honnêteté, nous somme de garder une place pour cet enfant intérieur, car on a beau grandir, on garde toujours une part de l’enfance en soi. 

Du côté du 7ème art, construction, déception et identité ont bien souvent été abordées. Nous avons choisi ici, de vous parler de Boyhood (Bande annonce) de Richard Linklater sorti en 2014, tourné sur 12 ans faisant presque de ce film une fiction documentaire d’apprentissage, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, lorsque nous aborderons plus en détail le parcours de construction de soi lors de prochains articles et sujets. En bref, Boyhood c’est l’histoire de la jeunesse d’une vie, c’est la consécration de l’ode des “premiers tout” : premières socialisations, premières rentrées, premiers déménagements, premiers amis et relations, premières déceptions et désillusions,  premières grandes décisions. Boyhood c’est l’histoire d’un jeune garçon de ses 6 ans jusqu’à son entrée à la faculté, qui apprend au fil des années. Il apprend l’enfance et l’innocence découvrant le monde avec fascination et idéalisme puis peu à peu ses mirages et ses complexités. Il apprend les hauts et les bas dans les relations familiales et personnelles. Il traverse l’adolescence et ses épreuves : l’amitié, ses espoirs, et ses désillusions,  les conflits familiaux, les grandes décisions et interrogations sur l’avenir. Au fil du temps il apprend et accède à son identité, il cherche sa place dans le monde, il expérimente les arts, la musique et il apprend et retient de ses influences qui l’ont chamboulé souvent. 

Changement de perspective, dans Skins (2007-2013) (Bande annonce), souvent imitée jamais égalée, Skins c’est THE série britannique qui avait fait scandale à l’époque, dans laquelle sont dépeints avec un réalisme parfois provocateur, des adolescents de toutes origines et milieux sociaux à la quête de ce “je ne sais quoi” qu’est la construction de soi. Skins c’est la mise en scène du passage de l’adolescence à l’adulte avec son lot de mirages et difficultés. C’est l’histoire de ceux qui se cherchent, qui se trouvent parfois pour certains, mais qui ne se trouvent pas toujours pour d’autres. En effet, Skins est une série qui a OSE raconter l’adolescence dans tous ses aspects, des plus réels aux plus sombres en passant par les plus ambigus à l’image de la sexualité, la drogue, l’alcool, l’homosexualité, l’amitié, l’avortement, la violence, les troubles alimentaires, la manipulation et la dépendance, la mort et le suicide, l’abandon parental et tant de choses encore. Skins explore également les conséquences des défis adolescents et leur importance dans le cheminement vers la vie d’adulte tant positivement grâce au recul pris sur les expériences vécues à l’origine de davantage de maturité et de réflexion, que négativement où les troubles vécus dans l’enfance perpétuent une mélodie de  traumatismes à l’âge adulte. Enfin Skins interroge aussi sur la place des relations dans la construction de soi : la relation avec ses pairs mais également les interactions avec les adultes dans son développement personnel. 

Ces exemples fictifs nous donnent alors à voir des similitudes plus ou moins applicables avec le comportement de nos enfants et font pousser chez nous une interrogation majeure : Quelle place l’adulte a-t-il dans un tel processus de cheminement personnel et d’acceptation de soi? Si la réponse est simple comme souvent, l’application de la théorie, elle, est plus complexe. Le rôle des adultes consiste alors à accompagner dans la maturité, cet enfant ou adolescent que l’on a parfois du mal à comprendre, l’accompagner sans jugement dans sa quête de lui-même, l’aiguillant parfois, lui laissant l’opportunité de faire ses propres expériences et erreurs aussi. Car oui excusez moi d’être triviale, mais c’est bien en tombant que le cavalier apprend à monter, et la pire erreur serait de brider cet être qui ne cherche qu’à se construire. 

Références : 

Biagioli, N. (2001). Le dialogue avec l’enfance dans Le petit prince. Études littéraires, 33(2), 27–42. 
https://doi.org/10.7202/501291ar

Bohnert, C. (s. d.). SKINS. Les carnets du CRIMEL. 
https://crimel.hypotheses.org/4664#:~:text=Le%20point%20le%20plus%20notable,que%20l’autre%20est%20vierge.

Farges, E. (2018, 25 janvier). « Skins » : une innovation dans l’univers des séries teen ? Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/erica-farges/blog/250118/skins-une-innovation-dans-l-univers-des-series-teen

Kounkou, M. (2022). Comment la série Skins a brisé le tabou de l’adolescence. Urbania
https://urbania.fr/article/comment-la-serie-skins-a-brise-le-tabou-de-ladolescence-2

Laillier, P. (2021). BOYHOOD. LE BLEU DU MIROIR | Critiques cinématographiques
https://www.lebleudumiroir.fr/critique-boyhood-film/#:~:text=On%20y%20suit%20le%20jeune,le%20pr%C3%A9parent%20%C3%A0%20devenir%20adulte%E2%80%A6

Marques, S. (2019, 18 novembre). « Boyhood » ou le miracle du temps qui passe. Le Monde.fr
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/11/18/boyhood-ou-le-miracle-du-temps-qui-passe_6019640_3246.html 

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