Le temps qui passe et le vieillissement

«Accepter la vieillesse, c’est peut-être accepter de grandir enfin un peu, avant la fin. »

Paule Giron Vieux et debout !

 

“Hier encore, j’avais vingt ans, je gaspillais le temps en croyant l’arrêter, et pour le retenir même le devancer, je n’ai fait que courir et me suis essoufflé.”, c’est ainsi que Charles Aznavour chantait en 1964, le temps qui passe dans Hier encore, et c’est avec lui que nous avons décidé d’introduire le dernier thème de ce blog. Car oui, un jour on a 10, 12, 20, 30 ans et puis un jour, on se réveille et on se voit autrement. On passe alors davantage de temps à chercher sa date de naissance lors du remplissage d’un formulaire sur internet. Se posent alors plusieurs questions : comment le temps a-t-il pu passer aussi vite? Avons-nous suffisamment profité et accompli? Qu’en est-il de la mort? 

C’est ainsi, que le temps qui passe, crée son cortège d’interrogations à la fois moralement et physiquement et, à l’heure où on vit de plus en plus longtemps, ces questions font sens à bien des égards…

Moralement déjà, car souvent en vieillissant nous nous retrouvons face à cet enfant intérieur, ce petit être qui plus jeune, envisageait sa vie autrement. Qui plus jeune n’a jamais prévu l’imprévisible? Etudes, travail, mariage, enfants, chiens/chats et maison à un âge bien défini, tout semblait programmé et si simple, pourtant la réalité s’est avérée bien différente et nos plans se sont alors mis en attente. Le temps des regrets se fait alors sentir, et la société semble nous reprocher le fait de ne pas avoir suffisamment accompli, car oui parfois, il ne fait pas bon d’être vieux.

Qu’en est-il alors? Avons-nous trop couru après le temps, en nous essoufflant? La vérité est plus complexe, et l’intériorisation de la banalisation de l’accomplissement sous forme de bucket list, nous dessert bien souvent. Parce que oui, la vie, ses mirages et la quête de maturité sont bien plus nuancés, qu’une liste de choses  à cocher avant de vieillir et mourir. Mais, se débarrasser de ses convictions intérieures et de celles de la société pour ne pas vivre de regrets, est souvent une étape complexe à passer. 

Le changement mental et moral oui, mais le vieillissement s’appréhende également via le changement physique. Un jour, on observe le premier cheveu blanc parfois angoissant, le petit rictus du coin de la bouche demeure, nos expressions de joie et de bonheur du bord des yeux perdurent. C’est le signe du temps passé et des cicatrices de la vie. Si, ces traces font référence à notre passage sur terre, à nos expériences positives ou négatives de vie, pour beaucoup, elles sont sujettes à angoisse et mélancolie. Serai-je tout aussi intéressant (e), sans mon physique d’antan? 

Devenir moins désirable aux yeux des autres, ressentir moins de regards c’est peut être aussi ça, l’acceptation du vieillissement. C’est peut être également se faire à l’idée que les visages et avatars autour de soi deviennent de plus en plus jeunes.

Moral et physique se confondent, lorsque se dessine la question de la mort. L’homme est mortel c’est un fait, et beaucoup d’entre nous sont sujets aux angoisses vis à vis de la grande Faucheuse. Vieillir finalement, c’est faire face à la vulnérabilité, que l’on le veuille ou non, car on on est souvent moins fort. Les choses qui nous semblaient banales autrefois, deviennent plus difficiles, et il est alors nécessaire de demander de l’aide. Se pose alors cette question bien difficile de la dépendance, la peur de ne plus être écouté, de devenir “gaga” ou pire encore d’être infantilisé. Pourtant, vieillir , c’est accepter d’être moins fort qu’avant et accepter d’appeler à l’aide. 

In fine, vieillir c’est aussi accepter de partir, et de voir partir les autres. L’angoisse vis-à-vis de la mort est une peur récurrente chez beaucoup d’entre nous et la thématique du “mais que devient-on après que celle-ci survienne” est une question éternelle sujette à beaucoup d’hypothèses. Ainsi, si pour certains l’angoisse est relative quant au fait de savoir ce qui se produit après la mort, pour beaucoup c’est au niveau de la gestion de l’avant mort, que l’angoisse se fait sentir. En effet, faire le deuil de ceux que l’on aime, son propre deuil, mais également l’arrivée de la maladie qui dégrade tant physiquement que moralement sont autant de choses auxquelles il faut se confronter, face à ce corps moins solide qu’avant. 

Un petit tour du côté des Arts…

Du côté des Arts, la littérature donne à voir de nombreux questionnements sur le rapport au temps. Dans “La nostalgie heureuse”, Amélie Nothomb replonge dans son passé, dans ses souvenirs d’enfance, et nous fait part de son ressenti par rapport au temps qui passe et des sentiments parfois ambigus qui en découlent. En effet, lors de son parcours introspectif, celle-ci pense au passé parfois avec mélancolie, c’est la nostalgie triste, parfois en esquissant des sourires, c’est la nostalgie heureuse. Cette transition rapide entre nostalgie triste et nostalgie heureuse, illustre la normalité finalement, des sentiments mitigés, que tout à chacun peut ressentir, lorsqu’il repense de temps à autre à son passé. 

Du côté du cinéma cette fois, de nombreux réalisateurs se sont penchés sur la question du vieillissement. En tête d’affiche, le film « L’étrange Cas de  Benjamin Button » sorti en 2008 par David Fincher, avec Brad Pitt et Cate Blanchett, adapté d’une nouvelle éponyme de Francis Scott Fitzgerald de 1922, propose une lecture différente du temps qui passe avec une inversion de l’horloge de la vie. Car oui, « L’étrange Cas de Benjamin Button » c’est l’histoire d’un homme en décalage avec les autres, qui naît déjà “âgé” et qui rajeunit au fil du temps. Ce film à portée presque philosophique, nous donne à voir une tout autre dimension du sens de la vie, car finalement, le protagoniste n’a pas le choix que de vivre, envisageant alors la vie comme une série d’opportunités à saisir. Guidé par une sorte “d’urgence à vivre”, il ne peut se résigner, ni regretter ou éprouver de la rancune. Au contraire, Benjamin Button accepte le temps qui passe et profite de la vie tant qu’il peut, il apprend et grandit chaque jour en rajeunissant, jusqu’à mourir en ayant pu profiter de tout avec une âme d’enfant. 

L’Étrange Histoire de Benjamin Button – Bande Annonce Officielle (VF) – Brad Pitt / Cate Blanchett

Changement de perspective cette fois, avec le film “About Schmidt” sorti en 2002 et réalisé par Alexander Payne, qui met en scène un retraité qui tente de se relever et de retrouver un sens à la vie en partant en voyage, après le décès de son épouse. Ce film donne à voir les conséquences du temps qui passe et du rapport au deuil et aux émotions qui en découlent. 

About Schmidt (2002) Official Trailer – Jack Nicholson, Kathy Bates Movie HD

Ces exemples issus des Arts, permettent une mise en abîme et une réflexion sur le vieillissement, que nous tenterons d’aborder de la plus réelle et sensible des manières. Ces réflexions sont d’autant plus importantes qu’à l’heure où la vie devient de plus en plus longue, nombreux sont les doutes et interrogations qui en découlent. 

Références : 

Célinedanaë, V. T. L. A. P. (2021, 17 décembre). L’Étrange Histoire de Benjamin Button de Francis Scott Fitzgerald. Au pays des cave trolls. https://aupaysdescavetrolls.fr/2021/12/17/letrange-histoire-de-benjamin-button-de-francis-scott-fitzgerald/

Readtrip -. (2021, 20 octobre). La nostalgie heureuse, un roman d’Amélie Nothomb. Readtrip.
https://readtrip.fr/articles/la-nostalgie-heureuse-amelie-nothomb/

St Verraut, B. (2023). L&rsquo ; ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON. Explication de Film.
https://explicationdefilm.com/2018/01/17/letrange-histoire-de-benjamin-button/

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