Le Harcèlement scolaire – Comprendre le harcèlement scolaire : Dans les pas du harcelé

“T’es nul, t’es moche, personne ne t’aime” voici les mots scandés par ses “camarades de classe” à Nicolas, un adolescent de 15 ans qui s’est pendu le 5 septembre de cette année à son domicile. Cette affaire n’est pas sans rappeler l’histoire effrayante de Marion, adolescente de 13 ans, qui s’était également pendue à son domicile, en 2013, avec au bout d’une corde son téléphone portable, affiché comme un symbole de son harcèlement, accompagné d’une lettre dénonçant ses harceleurs. Sans oublier l’histoire également similaire d’une autre adolescente, Lindsay, qui s’est suicidée en mai dernier malgré les différents signalements de la famille, phénomène récurrent déjà remarqué dans l’affaire du suicide de Nicolas et de tant d’autres….

Face à ce déferlement d’affaires récentes sur ce douloureux sujet, comprendre le harcèlement scolaire n’est plus une option, et l’opinion publique s’est émue à la suite de la mobilisation des familles de victimes pour saisir la justice et faire passer l’information sur ce fléau, qui n’est pas toujours pris en considération à sa juste valeur par les services administratifs saisis. Le gouvernement s’est également emparé du sujet de manière plus ferme en établissant différentes sanctions et en élaborant un important plan de prévention et d’information. Il n’en reste pas moins que ce drame se reproduira et prendra de l’ampleur dans les décennies à venir, notamment avec le développement du cyberharcèlement.

Les chiffres avancés viennent corroborer l’ampleur du désastre puisqu’il est estimé que plus d’un million d’élèves serait victime de harcèlement scolaire durant leur scolarité, ce qui représenterait environ près d’un élève sur deux. Ces chiffres sont d’autant plus effrayants que sur 6,7% des collégiens ayant signalé des attaques répétées ou plus, seulement 3 sur 10 en ont parlé autour d’eux et qu’actuellement un collégien sur cinq déclare avoir été victime de cyberviolence, selon un rapport de 2021/2022 émanant du ministre de l’Éducation Nationale.

Le Gouvernement ayant déjà acté ce phénomène, par notamment l’institution du délit de harcèlement scolaire accompagné de sanctions pénales en 2022 et l’élaboration du programme phare, plan de prévention du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement à compter de la rentrée 2022 dans l’ensemble des établissements scolaires.

La mobilisation de l’opinion publique s’est également avérée importante entraînant marches blanches, constitution d’associations par les proches des victimes, très actives dans la prévention de l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale, mais également dans l’information sur des faits de harcèlements dans les différents établissements scolaires.

Malgré toutes ces actions face à l’ampleur du phénomène, il semblerait que les moyens développés soient encore insuffisants, et c’est cela que dénonce actuellement l’ensemble des associations, notamment en insistant sur l’effort continu d’information à développer auprès des élèves et du corps enseignant.

Pour ma part, il m’a semblé important de relater dans un premier temps la suite du témoignage d’une de mes clientes sur ses souvenirs d’adolescente ayant vécu un harcèlement scolaire, phénomène qu’elle a mis du temps à qualifier. Elle nous confiera ses doutes et sa difficulté de l’époque à en parler en se livrant à une analyse personnelle très pertinente. Ce témoignage servira de support à quelques commentaires de ma part sur ce sujet qui fait débat.

 

Un témoignage bouleversant de sincérité d’une collégienne sur son vécu de ”harcelée”

Ce témoignage avait déjà été cité pour partie dans mon article précédent sur l’isolement scolaire. Nous le reprenons ici pour expliquer le moment où commence le harcèlement scolaire, et plus précisément ici en classe de 4ème du collège.

« Mais en 4ème, ce fut la fin de ma « parenthèse enchantée » si je puis l’appeler comme ça. Je me rappelle qu’au début, cette année ressemblait en tout et pour tout à une année ordinaire, avec ce petit truc en plus, si cher, pour moi à l’époque. Pour la toute première fois, des gens « populaires » semblaient me trouver intéressante. Je me rappelle avoir partagé des sorties en ville avec ces deux personnes, avoir rigolé avec elles… Au début, j’étais quasiment certaine d’avoir trouvé ma place. Pourtant, avec le temps, les rires ont commencé à devenir des moqueries, des moqueries dirigées envers ma personne, mon physique. A l’époque, du moins au début, je me disais que les « potes » faisaient cela entre eux, que c’était normal, que c’était de la taquinerie, mais j’ai compris bien trop tard que cette taquinerie n’était jamais réciproque. Je rationnalisais leurs paroles qui étaient assaisonnées de « mais on rigole, t’es trop drôle, on t’adore ».

Si au début, seuls mes « deux nouveaux amis » s’en prenaient à moins, d’autres se sont rapidement joints à la ronde, à cette spirale infernale de la moquerie. C’est tellement plus facile de se moquer à plusieurs. Et je me rappelle avoir vécu des moments d’humiliation intenses, où des personnes avaient, au sens propre, fait une ronde autour de moi pour se moquer de mon nouveau pantalon qui, selon eux, ne m’allait pas et que mon « cul tombait ». Chaque jour, on écrivait sur mes affaires, on me disait que je devrais faire de la chirurgie, que j’étais si ou ça, mais bien sûr, ils « rigolaient », et moi naïvement j’y croyais.

Au début je me forçais à accepter, je me disais que je ne devais pas le prendre personnellement, que c’était juste pour rire, mais je ne pouvais m’empêcher de me sentir triste et démunie et cela me rendait malade de ressentir ce sentiment, car après tout, tout cela n’était « que » de la taquinerie. Cependant, rapidement mon corps a pris le pas sur ce que mon cerveau me poussait à faire, et j’ai voulu tout lâcher. J’ai voulu plus d’une fois en finir, mais je n’en avais pas le courage, alors je pleurais seule de longues heures dans le noir. Je m’inventais des maladies, des histoires, pour ne plus aller en cours et j’avais parfois de longues absences au collège. A ce sujet, je me rappelle d’une professeure qui était venue me voir, pour me dire que j’avais été trop souvent absente ces derniers temps.

Le rôle et l’importance de la prise de parole : Pourquoi n’est-ce pas toujours possible? Les freins intérieurs et extérieurs.

La prise de parole est un grand sujet. Mon harcèlement scolaire date d’il y a plus de 10 ans et j’ai compris des années après, au début de ma vingtaine, que ce que j’avais subi, n’était pas simplement des gamineries un peu méchantes mais un acharnement répété.

A l’époque, je ne considérais pas cela comme du harcèlement, je ne savais même pas ce qu’était le harcèlement, et même encore aujourd’hui je ne suis pas sûre à 100% de connaitre sa définition exhaustive. De même, je pense que les personnes qui ont participé à ce harcèlement, aujourd’hui ne se rendent toujours par contre de la douleur qu’elles ont pu instituée en moi.

Ce qui est certain me concernant, c’est qu’en aucun cas je n’ai pensé à parler à ma famille ou au corps professoral de ce que je subissais car je minimisais ce que je vivais. Pour moi, je devais simplement accepter et devenir plus forte, pour continuer à rester amie, avec ces gens à qui je voulais ressembler. Je me disais qu’en leur disant d’arrêter, je ne ferais plus partie de leur groupe. A tort, j’étais persuadée que malgré les humiliations perpétuelles, je faisais partie de leur vie, et que je n’étais plus la petite fille ringarde de primaire dont personne ne voulait.

Et puis parler oui, mais parler pour dire quoi ? « On me dit que je suis grosse, qu’on fait des rondes autour de moi… » de mon point de vue à l’époque ça n’aurait rien changé. On aurait certainement dit que je me victimisais et ça n’aurait servi à rien. Peut-être que de nos jours, il en serait autrement mais encore une fois il est difficile de pronostiquer quoi que ce soit. Par ailleurs, il est important selon moi de rappeler qu’il existe plusieurs types de harcèlement. Il y a le harcèlement que tout le monde voit, celui qui est physique, celui qui est moral. Le mien était moral et jouait beaucoup sur les mots, ce qui est d’autant plus dur à détecter. Je me rappelle que mes amis de l’époque me disaient « ce n’est vraiment pas cool ce qu’ils te font » mais ça s’arrêtait là. Ni eux, ni moi ne savions ce que c’était, et je ne voyais pas changer d’établissement, car malgré tout, malgré eux, c’était mon collège et je pensais que j’arriverais à supporter l’épine qu’ils avaient enfoncée si profondément en moi.

Comprendre le harcèlement scolaire : Y a-t-il une prédisposition qui attire ce type de comportements : les faiblesses détectées par le groupe et le désir d’intégration à tout prix de la personne concernée ?

Je dirais la différence de toute évidence, mais en sachant que chaque personne est par nature différente, la moindre chose peut faire naitre le harcèlement. J’ai par exemple dans mon adolescence, assisté en silence, à divers cas de harcèlement envers des personnes de couleur, rousses, ou légèrement en surpoids, celui qui était parfois trop timide, celui qui ne l’était pas… Il y a certainement la différence, parfois des éléments de contexte, mais aussi la volonté malsaine de la part d’un groupe de se faire accepter, d’être populaire et parfois la popularité, passe par le fait se moquer d’autrui. Et c’est tellement plus cool de le faire à plusieurs, que cela s’est banalisé. Le mimétisme, au-delà du harcèlement scolaire, est selon moi un des pires fléaux. Et aujourd’hui à l’ère d’Instagram, des Tik Tok et de nouveaux réseaux en puissance qui devraient bientôt faire leur apparition, le risque est d’autant plus grand.

Parallèlement et évidemment, les failles psychologiques existantes de la personne harcelée jouent un rôle prépondérant dans leur futur rôle de bouc émissaire.  A titre personnel, je ne pense pas avoir eu une construction idéale, j’ai grandi sans certains repères, d’où ma fragilité et mon envie de me constituer un groupe, même de substitution pour me faire accepter. Quelque part, je donnais le bâton pour me faire battre, en cherchant absolument à être acceptée par ces personnes qui étaient tout sauf bienveillantes, ma timidité extrême de l’époque ne jouant certainement pas en faveur. Je pense que pour beaucoup de personnes, au-delà de certains aspects physiques, les blessures passées, les soucis à la maison, facilitent la petite graine qui ne demande qu’à être arrosée par de potentiels harceleurs.

L’importance de la communication et de l’observation des signaux de détresse non verbaux. L’importance de l’hypersensibilité, signe de fragilité, aux yeux du groupe ?

Me concernant, les signaux ont été faibles voire inexistants. En effet, je me cachais dans le noir de la nuit pour pleurer, je cherchais à prendre des médicaments quand personne ne regardait, et surtout je gardais la face. Au jeu des apparences d’Erving Goffman, j’étais bien la meilleure.

Pourtant et je l’ai mentionné plus haut, lorsque j’ai atteint le point de souffrance ultime, j’ai inventé divers stratagèmes, qui, avec du recul, me font bien rire aujourd’hui, mais qui ont néanmoins réussi à tromper mon entourage. Ainsi, je m’inventais des maladies comme la grippe qui justifiaient des absences longues durées et réussissait à me faire monter artificiellement la fièvre. Le malade imaginaire cher à Molière, aurait été fier de moi, car j’avais même réussi à tromper mon médecin. Mes absences répétées n’étaient pas normales, car je n’avais jamais été le genre d’élève à me porter pâle si longtemps, mais certainement que mon côté « première de la classe » a dû jouer en ma faveur (ou défaveur, ça dépend de quel côté on place la focale).  Personne ne se posait de questions sur d’éventuels mensonges de ma part, ni ma famille, ni cette professeure qui m’avait interrogée quant à mes absences.

Aussi, certes minimes, mais symptomatiques pour la bonne élève que j’étais, quelques baisses de notes étaient présentes. Bien sûr, je ne suis pas passée de 16 de moyenne à 10, mais j’ai quand même eu de légères baisses de notes. Celles-ci ont dû être mises sur le compte de mes absences qui m’empêchait de tout bien assimiler.

Au final, c’est un peu le serpent qui se mord la queue, et l’autojustification proclamée : je suis triste, donc je m’invente des maladies, et je suis absente. Or on ne remet pas en cause mes absences car je suis sérieuse et appliquée. J’ai des baisses de notes, car j’ai des absences, qui font que je peux moins assimiler les choses, et jamais personne ne remet en cause cela.

Pourtant malgré tout cela, je pense parfois que ma tristesse a pu se voir même un court instant, car à l’époque je ne voulais clairement plus vivre et il y a forcément un moment où le masque de façade se brise. Il faut savoir lire entre les lignes.

Je conclurais sur les propos d’un professeur de sport, qui à l’époque avait assisté à une scène isolée de moquerie sur ma personne, et qui était ensuite venu me voir en aparté pour me dire « Peu importe ce que tu fais, ne laisse jamais personne te parler comme ça à nouveau, jamais ». A l’époque, étant donné que je minimisais ce que je vivais, je ne comprenais pas ses propos mais avec le recul, il avait 100% raison, et aujourd’hui j’applique toujours son conseil, même un peu trop. ».

 

Analyse et enseignements tirés du témoignage : Quand commence le harcèlement scolaire et comment le définir ?

Je remercie ma cliente d’avoir bien voulu livrer son témoignage sur ce qu’elle a vécu à partir de la classe de 4ème et de ses interrogations sur ce qu’elle a pu ultérieurement qualifier de harcèlement scolaire, tout en trouvant des “parades” pour tenir dans cet enfer au quotidien, sans en parler réellement. Elle a procédé elle-même à une analyse assez pertinente de ses justifications, de ses peurs, doutes et manquements de son entourage immédiat auquel elle a opposé un masque, mais “il fallait lire entre les lignes”, comme elle l’a elle-même formulé.

Le principal problème, nous venons de le voir à travers ce témoignage pour les enfants ou adolescents est de définir ce qu’est le harcèlement scolaire, comprendre le harcèlement scolaire et d’accepter de lever le voile sur ses manifestations en parlant à ses proches ou en signalant ces faits au corps professoral ou à un quelconque acteur du monde éducatif

Beaucoup d’adolescents ne trouvent pas la force de résister, face à de telles violences, souvent psychologiques mais également physiques (coups, brimades, insultes verbales…) avec l’aggravation actuelle des réseaux sociaux et leur utilisation à cet effet, via le cyberharcèlement. Certains ont préféré disparaître pour échapper à leur souffrance, sans avoir osé en parler de leur vivant pour différentes raisons. Car en effet, pour pouvoir agir contre le harcèlement scolaire, encore faut-il savoir comment dénoncer ce harcèlement scolaire… A ce sujet, ma cliente explique plusieurs raisons qui ne l’ont pas incitée à parler à son entourage, à savoir le désir de reconnaissance de tout adolescent de cet âge, et d’appartenance à un groupe estimé valorisant pour grandir et se détacher du monde de l’enfance.

Une timidité et une réserve naturelle font que parler peut-être difficile à cet âge, surtout lorsque les complexes sont étalés au grand jour, exploités et caricaturés par un groupe de harceleurs.

Également les failles de l’environnement familial, peuvent créer une insécurité (deuil, problèmes financiers ou psychologiques…) et donc peu propice à la libération de la parole, notamment sur ce sujet qui risque “d’alourdir” le poids familial.

La peur d’en référer au corps professoral ou à l’ensemble de la communauté éducative peut être intimidante et source de freins par peur de montrer ce qui est dit, de ne pas être cru, ou à cause de menaces proférées par des harceleurs, voire leur habileté à se manifester en dehors du lieu de la possible intervention d’un enseignant (cours de récréation, temps de pause, cantines ou autres lieux…).

Comment agir face au harcèlement scolaire, compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontées certains adolescents ? Une vigilance et une observation des signes non verbaux au sein de la famille peut s’effectuer lorsqu’il aura été constaté des troubles psychosomatiques (angoisse, anxiété, état dépressif, insomnies, troubles alimentaires…), baisse des résultats scolaires, voire dans certains cas phobies scolaires, sans oublier les tentatives de suicide ou idées suicidaires. Et tenter d’ouvrir un dialogue, avec un proche dans la mesure du possible, ou avec l’aide d’une personne neutre extérieure à la famille (médecin de famille ou thérapeute, par exemple) et bien évidemment en se rapprochant du corps professoral, qui peut constater également des modifications dans le comportement d’un élève tenu à l’écart du groupe, des absences répétées, ou des baisses caractéristiques de notes.

Cette recherche est d’autant plus difficile depuis l’utilisation de nouvelles technologies (ordinateurs, portables, réseaux sociaux…) facilitant l’accès des harceleurs en toute impunité en dehors de l’établissement scolaire, emprisonnant d’autant plus la victime du harcèlement dans son quotidien en tissant une toile autour d’elle pouvant la conduire à une dépression et ses conséquences qui peuvent être dramatiques.

Comme ma cliente, beaucoup d’enfants et d’adolescents ont entendu parler du harcèlement à travers l’actualité sur le sujet, et surtout ses conséquences dramatiques, mais ne savent pas toujours en quoi il consiste et à partir de quand on peut le qualifier. Cette information est d’autant plus importante que pour beaucoup d’enfants et adolescents le harcèlement surtout lorsqu’il est psychologique n’est souvent pas évoqué, à l’image de ma cliente dans son témoignage. Alors, comment définir le harcèlement scolaire ? Pour apporter une réponse, nous nous en tiendrons aux définitions à la fois du corps professoral et du gouvernement à travers la loi et différentes notes d’information sur le sujet reprenant les 3 caractéristiques d’un harcèlement scolaire :

  • La violence répétée exprimée dans un rapport de force
  • La répétition de celle-ci sur une longue période
  • L’isolement de la victime dans l’incapacité de se défendre

De fait, le harcèlement scolaire place sa victime en situation de bouc émissaire et la définition large du mot brimade, comme le fait d’ignorer l’autre, crée un ensemble de situations, parfois difficiles à prouver. En effet, loin de la violence physique, la violence psychologique est tout aussi dévastatrice quand on parle de harcèlement scolaire. Qu’il s’agisse de lunettes, de poids, de couleur de peau, de résultats scolaires, de différence, tout est sujet à moqueries et à humiliation, ce qui peut in fine détruire entièrement un enfant ou un adolescent en plein processus de construction de soi et de son identité.

Alors comment expliquer le harcèlement scolaire à de nombreux élèves et collégiens, souvent dans l’ignorance de ses effets dévastateurs ? De nombreuses réunions d’information au sein des établissements scolaires ont déjà vu le jour auprès de tous les acteurs de la vie scolaire et auprès des familles. Car le harcèlement peut porter sur l’apparence physique, l’orientation sexuelle, le handicap (même faible comme un bégaiement ou un zézaiement), l’appartenance à un groupe, le choix d’un centre d’intérêt, mais également sur tout ce que le groupe considère comme une différence (un élève doué ou estimé trop « bosseur » ou trop sage…)

Le harcèlement scolaire : quelles sanctions ?

Le Code pénal, dans une loi 2022-299 du 02 mars 2022, a instauré le délit de harcèlement scolaire, accompagné de sanctions pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et 150000 euros d’amende si l’auteur de l’infraction est majeur. Elle pose également le principe du droit à la scolarité sans harcèlement. Ce délit concerne les élèves, les étudiants et les personnels des établissements scolaires et universitaires.

A côté des sanctions pénales, existent un panel de sanctions disciplinaires au sein de l’établissement : avertissement, blâme, mesure de responsabilisation, exclusion temporaire de la classe, voire de l’établissement (ne pouvant excéder 8 jours), exclusion définitive de l’établissement. Cette réponse de l’Éducation Nationale vise à faire cesser immédiatement le harcèlement au sein de l’établissement et à donner une sanction pédagogique à l’harceleur.

Les affaires terrifiantes relatées dans l’actualité ont amené des mobilisations de toute part. Le Gouvernement à compter de 2022 a enchaîné des actions fortes menées à la suite de l’important travail de sensibilisation et d’information d’associations constituées par les familles de victimes d’adolescents disparus.

Comment lutter contre le harcèlement scolaire ? Les actions menées pour endiguer ce phénomène

Elles ont été nombreuses et visent à l’information et la prévention. Nous en citerons quelques-unes, tout en sachant que beaucoup de chantiers sont actuellement en préparation et que celles évoquées sont loin de constituer une liste exhaustive.

  • De la part du Gouvernement

Après la qualification juridique du harcèlement scolaire de délit accompagné de ses sanctions, le gouvernement a mis en place en 2022 le programme PHARE dans un but de prévention du harcèlement et du cyberharcèlement destinée à tous les membres de la communauté éducative dans tous les établissements scolaires.

Par ailleurs, deux numéros de téléphone gratuits sont mis à la disposition des victimes et des témoins :

Le 3020 pour toute situation de harcèlement scolaire et le 3018 pour le cyberharcèlement ou harcèlement entre élèves en dehors des établissements scolaires par l’utilisation des nouvelles technologies de communication (téléphones, réseaux sociaux numériques)

Pour sensibiliser l’ensemble de la communauté éducative à ce phénomène, une journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire a été mise en place théoriquement chaque 1er jeudi du mois de novembre à l’initiative du Gouvernement depuis 2015. Cette année la journée a eu lieu le 10 novembre dans le but de libérer la parole, détecter les harcèlements et permettre aux élèves de trouver l’aide nécessaire.

Ces moyens importants mis en place par le Gouvernement l’ont été pour partie grâce à l’important travail mené par certaines associations, dont nous ne citerons que certaines d’entre elles dans ce blog.

  • De la part des associations des familles des victimes

L’association “ Marion la main tendue” a été créée en 2014 par Nora Fraisse, la mère de Marion, après le suicide de sa fille en 2013 pour lutter contre les violences et le harcèlement en milieu scolaire et le cyberharcèlement. Elle s’est donnée pour mission de participer à des conférences publiques pour prévenir les risques, de faire des ateliers réunissant parents et enfants avec le même objectif, faire des journées de sensibilisation dans les établissements scolaires et soutenir les familles et les victimes confrontés à ce fléau.

L’association “les ailes de Lindsay” de lutte contre le harcèlement scolaire, a été créée en septembre 2023, par la mère de Lindsay, 4 mois après son suicide. Elle s’est donnée pour mission à travers son adresse mail : lesailesdelindsay@gmail.com de recueillir tous les témoignages des victimes de harcèlement et de les faire remonter au ministre pour qu’il puisse intervenir et prévenir d’autres drames.

Cette affaire très médiatisée a permis de mettre en examen 4 mineurs pour harcèlement scolaire et une personne majeure pour menaces de mort. En parallèle, une enquête administrative a été ouverte par le ministère. La famille a porté plainte contre l’établissement, le rectorat, des policiers et Facebook. De nouvelles plaintes sont envisagées contre Tiktok et Instagram pour mise en danger de la vie d’autrui et complicité de harcèlement. Les conséquences judiciaires de cette affaire ont permis la mise en place d’éventuelles sanctions pénales à l’égard de mineurs harceleurs et de s’intéresser au rôle joué par les réseaux sociaux dans ce phénomène de cyberharcèlement, de plus en plus présent dans notre société.

Ce phénomène a également mobilisé la communauté enseignante qui a expérimenté différentes actions au sein de ses établissements pour agir face au harcèlement scolaire.

  • De la part des enseignants

De nombreuses recherches et expériences ont été menées par les enseignants très mobilisés sur le sujet. Nous en présenterons l’une d’entre elles, la méthode de la préoccupation partagée (MPP), créée en Suède en 1970 par un psychologue suédois Pikas et adaptée depuis plusieurs années dans les établissements français.

Elle consiste à agir sur les interactions entre les élèves en accompagnant et soutenant l’élève cible, tout en travaillant avec les élèves intimidateurs pour les faire changer de posture. Cette méthode est basée sur la bienveillance et ne sanctionne pas les élèves intimidateurs. Elle se fait en lien avec les familles et en cas de besoin avec l’aide de relai extérieur.

Ce fléau, considéré par certains comme un problème de santé publique à résoudre en urgence, m’a amenée à rechercher la façon dont certains artistes avaient choisi d’aborder cette thématique

“Mes choix coup de cœur”

 Pour ce sujet délicat aux conséquences souvent dramatiques, j’ai choisi une chanson et quatre films abordant avec beaucoup de lucidité ce thème, pour certains avec un réalisme, parfois insoutenable, et pour d’autres avec le choix plus simple de la pudeur.

La chanson que j’ai choisie est le titre de Maëlle “l’effet de masse” sorti en 2019 où elle évoque un harcèlement scolaire et ses effets dévastateurs à travers le suicide d’un adolescent. Quand elle chante « j’ai ri avec eux », elle se met en scène parmi les « anonymes” qui ont regardé sans rien dire et ont participé sans le savoir au harcèlement, parfois simplement en rigolant des brimades adressées à la victime désignée d’office par tout un groupe. Elle interpelle la complicité passive de tous ceux qui ont vu et n’ont rien dit, et chacun d’entre peut se sentir concerné par cette réaction, dont les conséquences ne sont pas toujours mesurables.

Maëlle – L’effet de masse (Clip Officiel)

Du côté du septième art, j’ai choisi certains films inspirés de faits réels et d’autres dont la thématique a pu inspirer certains cinéastes.

“180 jours” le premier que j’évoquerai ici est un court métrage, sorti en 2022, de 30 minutes tourné dans l’enceinte de son ancien collège à Chartres en Eure et Loir, par un collégien alors qu’il n’avait que 15 ans. Il incarne également le personnage principal Gabriel, un adolescent de 16 ans, qui s’apprête à rentrer en seconde. Il évoque les origines simples de ce collégien, dont la mère travaille dur pour lui offrir des études dans le privé et le contexte dans lequel il va devoir évoluer favorisant le développement du harcèlement scolaire. Le jeune metteur en scène, à travers 180 jours, durée d’une année scolaire, a pris le parti de nous délivrer un témoignage sur les difficultés du vécu d’un collégien de cet âge, en relatant la pression à laquelle il est soumis de tous côtés : pression familiale avec une obligation implicite de réussite, pression des professeurs en attente de résultats et harcèlement de certains élèves détectant la fragilité de leur proie future.

Bande annonce –  Louis Alexandre raconte « 180 jours » de harcèlement scolaire

«1’54 » : Premier film sorti en 2017 par le réalisateur canadien Yan England, nous livre la vie de Tim, timide et brillant adolescent de 16 ans, également doué pour le sport. Il subit avec son ami les persécutions d’autres élèves dominés par Jeff, le champion de course de vitesse de l’école. Après le suicide de son ami homosexuel, il décide de se venger tout d’abord sur le terrain de la compétition sportive, 1 :54, étant le temps qu’il doit réaliser pour se qualifier pour courir le 800m aux Nationaux. S’ensuit une montée en puissance de la violence dans les relations entre Tim et son principal harceleur, jusqu’au dénouement dramatique final. Ce film aborde les formes de harcèlement existant dans le milieu du sport s’exerçant sur le terrain de la compétition et accompagné de violences homophobes.

1’54 – BANDE ANNONCE OFFICIELLE

”Marion, 13 ans pour toujours” : Ce téléfilm diffusé en 2016 pour la première fois sur FR3, réalisé par Bourlem Guerdjou suivi d’un débat sur le harcèlement scolaire est inspiré d’un fait réel, le suicide de Marion Fraisse par pendaison à un foulard dans sa chambre, à côté de son téléphone portable également relié à un fil, le 23 février 2013. Ce suicide mis en scène par Marion, héritage de menaces et insultes continués à être délivrés par portable interposé, a été relaté dans le livre publié par sa mère Nora Fraisse en 2015, en sa mémoire, mais aussi pour alerter l’opinion publique sur ce fléau. La mère de Marion, incarnée par Julie Gayet dans ce film, nous interpelle sur l’ampleur des désastres occasionnés par le harcèlement en lui-même sur la victime, mais aussi sur ses effets dévastateurs sur l’entourage familial et amical de celle-ci, les victimes collatérales du harcèlement scolaire souvent oubliées.

Marion, 13 ans pour toujours Bande-annonce VF

“Les después de Lucia” : Film franco-germano-nederlandais-mexicain, écrit et réalisé par Michel Franco, sorti en 2012, relate sans fard les circonstances terrifiantes du déroulement d’un harcèlement sur une jeune adolescente Alejandra, lors de son intégration dans son nouveau lycée à Mexico. À la suite du décès prématuré de sa mère, elle arrive à Mexico avec son père pour y démarrer une nouvelle vie. Lors d’une soirée d’intégration avec d’autres élèves, elle a une relation sexuelle avec un garçon qui la filme à son insu avec son portable, mais dont la vidéo fait le tour du lycée. Cet évènement sera le point de départ d’un harcèlement exercé sans relâche jusqu’à son paroxysme final, qu’elle s’évertuera par tous les moyens à dissimuler à son père pour le protéger. Ce film relate avec réalisme la montée en puissance du harcèlement dans son horreur, l’usage des nouvelles technologies à son service, et les failles d’un environnement familial fragilisant l’adolescente qui s’emmure dans son secret, dans le simple but de préserver son unique parent, au détriment de sa propre protection.

Después de Lucia – Bande Annonce VOSTFR (2012)

Comme à mon habitude, à la fin de ce billet, je vous propose de partager avec moi des films, séries, livres, bandes dessinées, vidéos ou tout autre canal, pour exprimer vos ressentis, voire vos témoignages sur ce sujet porteur de souffrances, de drames parfois, et souvent de secrets trop lourds à porter.

Si l’on est différent, il est fatal qu’on soit seul. Accepter l’autre, c’est précisément l’accepter comme autre. Unifier, c’est nouer même les diversités particulières, non les effacer pour un ordre vain. Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. » (Aldous Huxley)

 

Références :

Bourgeois, M. (2023, 27 septembre). Plan de lutte contre le harcèlement scolaire : pourquoi Gabriel Attal n& # 39 ; n’est pas seul à la manoeuvre. BFMTV. https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/plan-de-lutte-contre-le-harcelement-scolaire-pourquoi-gabriel-attal-n-est-pas-seul-a-la-manoeuvre_AN-202309270047.html

Dila. (2022, 8 mars). Le harcèlement scolaire devient un délit : ce que dit la loi. www.service-public.fr/particuliers/actualités/A15548. https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15548

Joubioux, N. (2023, 7 septembre). Suicide d’un adolescent à Poissy : tout ce que l’on sait. Le Point. https://www.lepoint.fr/societe/suicide-d-un-adolescent-a-poissy-tout-ce-que-l-on-sait-07-09-2023-2534509_23.php#11

Lutte contre le harcèlement à l’école. (s. d.). Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse. https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement

Marion, 13 ans pour toujours – Nora Fraisse – Babelio. (s. d.). Babelio. https://www.babelio.com/livres/Fraisse-Marion-13-ans-pour-toujours/679148

rentree -2023-de-nouvelles-mesures-contre-le-harcèlement-scolaire. (s. d.). www.education.gouv.fr.

Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter – Sénat. (2021, 22 septembre). Sénat. https://www.senat.fr/rap/r20-843/r20-8432.html#:~:text=UNICEF%20France%20est%20plus%20pessimiste,sur%20quatre%20%C3%A0%2018%20ans.