La rupture, un mal nécessaire

L’amour dans tous ses états, c’est ainsi que j’ai choisi de parler de cette notion immense qu’est le couple. Toutefois, on le sait, si l’amour c’est une rencontre, l’excitation, la timidité, la séduction, le doute, l’attente parfois. C’est aussi la construction, l’idéalisation, la passion, la routine, le doute qui s’achève parfois en rupture, ce que Serge Gainsbourg chantait ainsi “je suis venu te dire que je m’en vais”. Parfois évitable, parfois douloureuse, parfois nécessaire, parfois cathartique, parfois salvatrice, qu’elle qu’elle soit,  cette rupture amoureuse nous met littéralement dans “tous nos états”. Si durant mon parcours de thérapeute j’ai été amenée à accompagner nombre de personnes à traverser une rupture amoureuse, je me suis aperçue d’une chose : la rupture souffre parfois de sa mauvaise réputation. C’est pourquoi, aujourd’hui je voulais vous parler de cette rupture nécessaire, celle qui fait souvent mal, celle difficile à accepter, celle qu’on ne voit parfois pas venir, mais qui, au fond fait profondément du bien une fois que l’on se pose sincèrement, et que l’on fait une rétrospective sur notre vie à deux passée. Car oui, parfois la rupture cela fait du bien aussi, et c’est pourquoi j’ai choisi de partager avec vous deux histoires de patients, deux cas de ruptures amoureuses inévitables aux origines bien différentes, mais dont les similitudes lors de leur analyse se sont avérées troublantes.

 

Voici leurs histoires : 

 

Des humiliations et menaces quotidiennes 

 

Tout d’abord, une cliente est venue me trouver pour régler ses problèmes de couple en m’expliquant ce qu’elle vivait, à savoir une humiliation au quotidien de son mari sur son apparence physique, son absence de qualités intellectuelles, parfois en public, devant leurs enfants ou leurs proches. Puis, travaillant en horaire décalé, elle s’est vite aperçue d’une trahison qui avait lieu à son domicile en son absence. En plus de ces humiliations verbales et psychologiques, elle se trouvait confrontée par moments à des menaces physiques sur sa personne. Elle était terrifiée à l’idée de réagir de peur de représailles sur ses enfants.

 

“Bonjour, je ne t’aime plus” 

 

Plus tard, une autre cliente est venue me voir suite au départ de son mari lui annonçant brutalement qu’il ne l’aimait plus et allait la quitter, situation qu’elle n’avait anticipée à aucun moment et qui ne présentait aucune autre issue  au vu de la détermination de son époux. Elle était effondrée, dans un état de souffrance total, confrontée à une situation qu’elle n’aurait jamais pu imaginer à un quelconque moment de leur vie de couple.

 

Ces deux rencontres dans leurs histoires, avaient des similitudes surprenantes.

Elles étaient toutes les deux mères de famille, bien investies dans leur situation professionnelle. Elles étaient toutes deux assez soumises dans leur couple, prenant à bras le corps la gestion du foyer, voire la situation de leur mari, qu’elles avaient tendance à surprotéger, comme faisant partie intégrante du cocon familial. Dans le premier cas, l’humiliation morale et matérielle s’est progressivement installée. Dans le second, ce fut plus subtil, sans aucune humiliation, elle a couvé son mari qui s’est élevé socialement sans se préoccuper de son entourage.

 

 

Les premières prises de conscience

La première s’est rendu compte au bout d’un certain temps que l’humiliation n’était plus de mise et que la situation devenant intolérable, il fallait organiser une rupture qui la protègerait ainsi que sa famille. 

La seconde, effondrée, a progressivement découvert un mari plus investi dans sa vie professionnelle que familiale, et qu’elle était devenue progressivement invisible à ses yeux. Elle découvrit plus tard l’existence d’une autre femme, qui, selon son mari, n’était pas le seul motif de rupture, car s’étant détaché d’elle depuis un moment déjà.

 

 

L’origine du trouble en lien avec une absence

Toutes deux avaient également souffert de l’absence d’un père, très jeune, soit pour la première, par la descente progressive de celui-ci dans la déchéance, soit pour la deuxième, lors d’un décès prématuré.

Elles s’étaient construites sans ce pilier paternel. La première avait existé également sans la présence affective de sa mère et avait porté la défaillance paternelle en le secourant à multiples reprises dans ses débordements. La seconde s’était construite sans son père, avec une fusion totale avec sa mère qui a vécu seule longtemps dans l’ombre de son époux décédé.

Toutes deux avaient choisi d’épouser, pour la première un homme défaillant qu’elle portait à bouts de bras en lui offrant une sécurité financière, pour la seconde, un homme qui s’est appuyé sur elle pour se construire socialement, sans se soucier de son existence.

 

 

Repenser sa vie

Leur rôle de mère a été fondamental et salvateur dans un premier temps, pour accepter progressivement de perdre l’autre, celui qui a bénéficié d’une attention excessive, au point de s’oublier soi-même. La prise de conscience du rôle important de la femme dans la conduite et la survie du couple a été plus longue. Car il a fallu un temps pour mener un combat pour négocier une rupture, parfois houleuse et délicate face à des situations sociales différentes et faire face à des menaces ou chantages divers, affectifs ou financiers. Il a fallu un autre temps pour prendre confiance en soi et s’affirmer en tant que femme avec ses désirs propres. Et pour finir, un temps pour accepter la reconstruction après la rupture amoureuse. Un temps pour accepter de reconstruire un couple, qu’elles ont parfois délaissé pour des relations de passage, qualifiées selon elles, de “vies au jour le jour ”sans se poser de questions.

La peur de revivre cet abandon de l’autre, avec ou non trahison, la peur de l’échec et le marquage affectif de l’enfance a laissé des traces indélébiles. Malgré tout, ces femmes se sont réappropriées leur vie, ont repris confiance en elles et en leur capacité. Elles ont grandi, souffert et mûri. Leur avenir leur appartient, quel que soit leur choix…

 

 

Faire face à des ruptures amoureuses fatales ou inéluctables

Mais alors comment survivre à une rupture amoureuse? Tout d’abord, repenser l’autre en prenant conscience que l’on existe de moins en moins face à lui, qui de ce fait occupe toute la place dans le couple. Peu à peu, apprendre à le voir tel qu’il est, et non à travers ce mirage de l’amour incarné à vie. C’est un autre homme qui a évolué sans elles et développé une vie à côté, dont elles ont fait de moins en moins partie par manque, parfois, d’implication dans leur couple de part et d’autre souvent.  Elles se sont investies dans leur rôle de mère, oubliant d’investir le rôle de femme dans le couple. Elles ont été trop aimantes, trop maternantes.

Il leur a fallu trouver d’autres centres d’intérêt pour se construire une personnalité, autre que celle de mère de famille. Aller à la rencontre d’autres personnes et se montrer et discuter, apprendre sa valeur et ne plus rester dans l’ombre de leur partenaire à qui elles avaient laissé toute la place.

Reprendre confiance en elles, notamment à travers la sexualité longtemps délaissée dans leur couple fantôme. Réapprendre à séduire et à s’aimer à travers ce prisme.

Mais une reconstruction, voire une construction pour certaines, peut s’avérer longue, car la solitude peut parfois être pesante, toutefois ce passage me semble nécessaire pour faire le deuil de la relation passée et passer à un autre chapitre de sa vie. 

 

 

Un petit tour du côté des arts : Mes choix “coups de coeur”

 

Du côté du cinéma et du petit écran 

 

Pour ce billet haut en couleurs, j’ai choisi des films mythiques, sur le désamour en général, et des chansons récentes sur la lassitude et la rupture, marquant bien l’évolution actuelle dans ce désir de non conformisme, mais aussi de désarroi face à des sentiments aussi bien changeants qu’imprévisibles.

 

Du côté du 7ème art, mon premier choix se portera sur “le chat”, film de 1971 de Pierre Granier-Deferre évoquant un vieux couple qui ne s’aime plus mais dans l’incapacité de se séparer, dans lequel le duo Gabin-Signoret révèle l’usure du temps sur un couple sans descendance replié sur lui-même et ne communiquant plus qu’au travers d’humiliations incessantes et le plus souvent teintées de mutisme.

 

Le Chat (1971) Bande Annonce VF [HD]

 

Comme son titre l’évoque, le film “Le mépris” de Godard (1963), narre l’histoire d’un couple qui ne s’aime plus et bascule progressivement dans la violence et la provocation de l’autre à travers la répétition de phrases blessantes, voire une trahison.

Sur l’explication du désamour, le dialogue s’avère difficile et quand il arrive, les mots sortent comme des couperets :  “La raison c’est toi… T’es pas un homme. De toute façon, c’est trop tard : j’ai changé d’avis sur toi. Je te pardonnerai jamais… J’t’aimais tellement… J’te déteste parce que tu n’arrives pas à m’attendrir.”

 

Le Mépris (1963) Bande Annonce VF

 

Quant au dernier film qui m’a paru important de citer, “Blue Valentine”  (2010), évoque l’usure progressive d’un couple moderne qui s’étiole et son échec dans sa tentative de réconciliation. Dans ce film, Cindy étudiante, rêve de devenir médecin, elle rencontre Dean après avoir été violée par son précédent petit ami dont elle attend un enfant. Dean lui propose de se marier et d’élever son enfant. Elle se sent rassurée et accepte. Mais après cinq années de vie commune, les désillusions s’accumulent. Cindy accepte un travail d’infirmière dans une clinique à la campagne où un médecin lui fait des approches, et Dean enchaîne les petits boulots, tout en se dégradant physiquement et en contrôlant mal son penchant pour la boisson. Pour tenter de sauver son couple, Dean propose à Cindy un week-end en amoureux. Mais cela s’avère être un fiasco et un prétexte à règlements de comptes. Le lendemain Cindy repart discrètement travailler dans sa clinique, Dean hors de lui la rejoint,et fait un scandale. Cindy perd son travail, demande le divorce, définitivement déçue, en ne laissant à Dean aucun espoir de retour. Ce film décrit l’échec d’un jeune couple face aux rêves déchus, à l’usure du quotidien, aux aspirations de vie trop différentes, en prenant délibérément le parti du réalisme.

 

Bande-annonce « Blue Valentine »

 

Du côté de la musique 

 

Parlons musique maintenant, on le sait The Weeknd chante souvent l’amour, la sensualité et la sexualité. En effet nous sommes habitués à ces musiques un peu trop romantiques ou osées  relatant des histoires intenses parfois inachevées. Pourtant lorsque l’on écoute certaines paroles et notamment celle de la chanson que je vous propose aujourd’hui, on ne peut que constater qu’elle résonne avec cette rupture amoureuse inévitable. Dans “Call Out My Name” (2018), une personne en couple ayant tout offert à son partenaire, se retrouve ensuite rejeté lorsqu’il commence enfin à s’ouvrir à lui. Le refrain parle des sentiments forts du premier, demandant à son partenaire de crier son nom et de rester, bien que ce dernier ne veuille plus de lui. Tout au long de la chanson, il exprime sa douleur et sa colère quant à la raison pour laquelle son partenaire ne reste pas et continue de le repousser.

 

The Weeknd – Call Out My Name (Official Video)

 

Bien plus proche de chez nous, de l’autre côté de l’Amérique, en France, Manu Chao dans sa chanson “je ne t’aime plus” sortie en 1998, évoque le déchirement de la fin d’un amour et les sentiments contradictoires qu’il entraîne, notamment son envie de mourir.

 

Manu Chao – Je ne t’aime plus (Official Audio)

 

Sur composition de Barry Gibb, Dionne Warwick dans Heartbreaker (1982) évoque un homme qui l’a quittée alors qu’elle lui a tout donné et qu’elle était je cite “tout ce qu’il voulait qu’elle soit”. Toujours sous l’emprise du fantôme de son amour, elle ne comprend pas cet abandon  et lui rappelle qu’elle “a passé sa vie à l’aimer” pendant que lui l’a “passée à la blesser”. 

 

Dionne Warwick – Heartbreaker

 

Enfin, comment ne pas penser à la chanson mythique des Beatles “Yesterday”, sortie en 1965 qui relate la nostalgie d’un amour perdu. La déclaration du chanteur selon laquelle la journée d’hier est arrivée soudainement signifie que, jusqu’à récemment, il était sur un nuage et vivait heureux avec son amoureuse dans sa vie. Mais ce bonheur présent est devenu un souvenir passé très rapidement et soudainement : « aujourd’hui » s’est transformé en « hier” si rapidement qu’il en a été surpris.

 

Yesterday (With Spoken Word Intro / Live From Studio 50, New York City / 1965)

 
Du côté de la littérature

Faisons maintenant un tour du côté de la littérature, Je parlerai pour cela de l’essai de la philosophe Claire Marin “Ruptures”,  paru en 2019 évoquant toutes les formes de ruptures, dont celle qui nous intéresse, la rupture amoureuse. Elle parle d’une cassure et de la souffrance qu’elle engendre, “d’un cataclysme intérieur” qui nous modifie en profondeur. Elle ose dire que la rupture fait mal même physiquement, et que nous sommes parfois dans le déni de cette souffrance. Elle évoque différentes manières de vivre une rupture, qui, in fine,  nous font souvent avancer : la sensation de vide en soi, une phase de convalescence nécessaire, puis pour certains” un saut dans l’existence”, d’autres joies possibles, de “l’inédit”.

 

La rupture amoureuse – C l’hebdo – 13/04/2019

 

Pour conclure ce billet, comme à mon habitude je m’adresse à vous et vous propose de nous rejoindre sur mes réseaux sociaux afin de partager d’autres exemples de films, séries, livres, bandes dessinées ou chansons évoquant cette rupture amoureuse définitive qui fait souvent bien mal. Pour aller plus loin dans votre exploration de la rupture amoureuse et trouver le soutien dont vous avez besoin, n’hésitez pas à réserver une consultation avec moi en ligne ou au cabinet.

 

 
“Toujours en a-t-il été ainsi : l’amour ignore sa profondeur jusqu’à l’heure de la séparation.” 

Khalil Gibran

 


Références:

Blue Valentine (2010) : autopsie d’un mariage filmée « sans parti-pris » | Le cinéma est politique. (s. d.). http://www.lecinemaestpolitique.fr/blue-valentine-2010-autopsie-dun-mariage-filmee-san

s-parti-pris/

C l’hebdo. (2019, 13 avril). La rupture amoureuse – C l’hebdo – 13/04/2019 [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=vKzESfF6UBU

Celesta. (s. d.). Paroles et traduction The Weeknd : Call Out My Name – paroles de chanson. https://www.lacoccinelle.net/1286979-the-weeknd-call-out-my-name.html

Claire Marin dans Livres Hebdo. (s. d.). Les Editions de l’Observatoire. https://www.editions-observatoire.com/actualites/Claire_Marin_dans_Livres_Hebdo

Marin, C. (2018, août 20). Claire Marin : « La rupture amoureuse est l’occasion de découvrir ce dont nous sommes capables » . Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/series-d-ete-2018/article/2018/08/17/claire-marin-la-rupture-est-l-occasion-de-decouvrir-ce-dont-nous-sommes-capables_5343579_5325920.html

Rousseau, N. (2019, 10 avril). Claire Marin : « Nous sommes dans le déni de la souffrance qu’une rupture provoque » . Libération. https://www.liberation.fr/debats/2019/04/10/claire-marin-nous-sommes-dans-le-deni-de-la-souffrance-qu-une-rupture-provoque_1720570/

Paroles de Yesterday (+explication) – THE BEATLES – GreatSong. (s. d.). GREATSONG : Paroles de Chansons Officielles et Traduction musique. https://greatsong.net/PAROLES-THE-BEATLES,YESTERDAY,5834.html

St Verraut, B. (2022a). LE MÉPRIS. Explication de Film. https://explicationdefilm.com/2020/12/29/le-mepris/

St Verraut, B. (2022b). LE CHAT. Explication de Film

https://explicationdefilm.com/2018/03/14/le-chat/